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Les grèves de 19

La France est paralysée par des grèves de transports. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Déjà il y a un siècle en 1919, une grande vague de grèves avait touché le pays.

  Affiche du premier mai 1919

Qu’en ont pensé les journaux juifs de l’époque ?

-        Le monde ouvrier juif au début du XXe s., l’exemple des casquettiers

-        Les grèves de juin 1919, entre patriotisme et crainte de l’accusation de propager la révolution

QUI SONT LES TRAVAILLEURS JUIFS ?

Les sources :

GREEN, Nancy, Les travailleurs immigrés juifs à la Belle Epoque, Paris, Fayard, 1985 (consultable dans notre bibliothèque)

Sur la bibliothèque numérique, la brochure de Maurice Lauzel sur les ouvriers juifs de Paris, les casquettiers, publiée en 1912. Notre exemplaire est dédicacé par l’auteur à son ami l’excellent écrivain G. Delahache (de son vrai nom Lucien Aaron 1872-1929,  ami de Charles Péguy)

Les travailleurs juifs en France au début du XXe siècle sont surtout des immigrés, beaucoup travaillent à domicile

1901 : 62 % sont ouvriers qualifiés majoritairement dans le textile et les cuirs et peaux, 27% sont commerçants, 6% ouvriers non qualifiés, 4% professions libérales, 1% employés

Plaintes : salaires bas, horaires élevés, maladies professionnelles, manque de respect. De plus la plupart travaillent à domicile, à façon, et doivent supporter le coût du matériel, des fournitures et des fluides. C’est donc une course sans fin pour espérer gagner très peu, avec un sentiment d’indépendance vite oublié. Il y a donc régulièrement des mouvements sociaux dans ces industries du vêtement, impliquant des employeurs juifs et des ouvriers qualifiés juifs.

On dénombre 62 grèves de casquettiers entre 1886 et 1919. Mais la boulangerie s’agite aussi.

Dans le vêtement un des principaux points de conflit est la morte-saison : pas de travail, aucun revenu, aucune couverture sociale.

Autre mal qui touche particulièrement les ouvriers juifs : la concurrence entre les travailleurs de différentes nationalités.

LES GRANDES GREVES DE 1919

Elles touchent principalement la métallurgie. Les causes en sont l’augmentation du coût de la vie, et la démobilisation qui accroît le chômage. Les grèves sont très suivies et politisées, dans une ambiance révolutionnaire en Europe.

L’Assemblée nationale a voté en avril 1919 une loi instituant la semaine de 6 jours pour 48 h de travail. Les ouvriers et les syndicats réclament la semaine de 44 heures avec le samedi après-midi libre (semaine anglaise)

Le 2 juin une grève massive touche les métallos et les travailleurs du métro. La grève des transports dure jusqu’au 15 juin

Un article des Archives Israélites du 12 juin 1919 nous informe que le mécontentement est dû principalement à la cherté de la vie, et s’inquiète de voir des Juifs, heureusement peu nombreux, désignés comme profiteurs de la guerre.

Le 19 juin un article signé Quies et intitulé « En devisant », s’attaque à la présence des Juifs dans les mouvements révolutionnaires en Europe

Décidément, le métier de révolutionnaire en chef ne réussit guère aux Israélites.

Il s’inquiète du sort de Kurt Eisner en Bavière et de Trotsky en Russie, avant de conclure :

En Allemagne, comme en Russie, les partis rétrogrades ne pardonnent pas aux juifs, de faire du socialisme actif, de poursuivre la réalisation d’une société prolétarienne, de verser dans le communisme. Ils seront toujours les premières victimes de la réaction !

Cet article faisait suite à un billet sur l’avenir du judaïsme par Emile Capus, revenant à nouveau sur l’Union sacrée et le sacrifice partagé par les Juifs avec leurs concitoyens pendant la Guerre.

Malgré les grèves, hélas ! trop nombreuses dont on s’occupe, tout le monde sent la nécessité de l’ordre et du travail.

Les Juifs sont accusés par les antisémites d’être révolutionnaires.

La vérité est très différente, la plupart d’entre eux avec leurs sentiments de famille et leurs habitudes travailleuses, sont bien plutôt de tempérament conservateur.

Il espère voir disparaitre

les deux principaux prétextes de l'antisémitisme, le manque de patriotisme et le goût des révolutions.

Le 17 juillet, les Archives israélites célèbrent le défilé du 14 juillet 1919 qui a été après 5 années de guerre le sommet de l’Union sacrée et du sentiment patriotique. Emile Cahen proteste contre les grèves qui affaiblissent le pays et remarque

En réalité, si une grève, causée par des revendications ouvrières peut être  justifiable, celle qui n’a qu’un but politique est odieuse à toute époque- et criminelle en ce moment. Nous sommes donc persuadés que les Juifs ayant quelque influence à   la C. G. T., .en useront pour empêcher le mouvement du 21 Juillet qui nous paraît abominable.

Désir d’ordre et croyance en l’influence juive sur le syndicat se mêlent ici.

On le voit les réactions de la presse bourgeoise israélite française ne s’intéressent pas aux questions économiques et sociales, mais oscillent entre l’affirmation du patriotisme des Juifs, français comme immigrés, et la crainte de leur identification aux tendances révolutionnaires.