I. Enfance et jeunesse en Galicie

La famille Schapira en 1905 à Neuhaus : Le commandant David Schapira, son épouse Klara, Klemens (à gauche), Joseph (à droite).

 

Une famille juive aisée, assimilée et patriote 

Klemens Schapira est né le 17 mars 1898 à Kolomya, à l'époque en Galicie. Son père David Schapira était un officier dans l'armée de l´Empire austro-hongrois. Il était originaire de Lemberg (aujourd’hui Lviv), l’ancienne capitale de la province autrichienne de Galicie, aujourd’hui la plus grande ville de la partie occidentale de l'Ukraine. Sa mère Klara (née Friedmann) appartient à une famille d’industriels de Kolomya. Le cadet de la famille, Joseph y est né le 28 octobre 1899, c'est avec lui que Klemens n'a jamais cessé de correspondre pendant son exil à Shanghai.

 

 

La famille Friedmann possédait trois raffineries et fabriques de bougies a Kolomya, dont une appartenait à Joseph Shlomo (Salomon) Friedmann et son épouse Pesi Lea. La nappe pétrolière “familiale” à Sloboda Roungourska, près de Kolomya, fournissait le pétrole brut. Lors de son passage à Kolomya , Xavier Schapira n’a retrouvé aucun vestige de l’entreprise Friedmann.

Les Juifs de Galicie ne constituaient pas une masse homogène : il y avait, d’une part la bourgeoisie intellectuelle, commerçante et industrielle , parlant l’allemand ; d’autre part les ouvriers et employés de culture yiddish. Tous pratiquaient assidûment la religion juive.

Dans le cadre du capitalisme familial dominant à la fin du XIX e siècle, la gestion des entreprises Friedmann était de type paternaliste : trousseaux offerts aux jeunes filles pauvres , cadeaux lors des mariages, etc.

En 1906 lorsque Klemens avait huit ans, son père fut nommé officier au 41e régiment d’infanterie basé à Czernowitz. Cette ville de Bucovine était surnommée “la petite Vienne” car elle témoignait de la richesse culturelle de l'Empire austro-hongrois avec la présence de populations germanophones, polonaises et ruthènes. La population juive représentait 40% du total des habitants et était le foyer d’une intense vie culturelle autour de la langue yiddish dans cette “Jérusalem de Bucovine”.  De langue allemande, Klemens a été scolarisé au lycée gréco-oriental de Czernowitz, dit moderne, parce qu’on n’y enseignait pas le latin, mais surtout les sciences et les langues vivantes. Klemens n’a jamais bénéficié d’un enseignement religieux juif en dehors de celui délivré par les établissements publics d’enseignement. Ni lui, ni son frère Joseph n’ont passé leur Bar Mitzvah (cérémonie de majorité religieuse). Les parents ont rarement fréquenté la synagogue.  

Comme une grande partie de la population juive des régions orientales de l’Autriche, la famille Schapira s’est réfugiée à Vienne au début de la Première guerre mondiale afin d’échapper aux pogroms que l’armée russe ne manquerait pas de perpétrer dans les régions de l’Autriche dont elle ferait la conquête. 

Les provinces orientales de l'Empire austro-hongrois, la Galicie et la Bucovine. Kolomya (Kolomea) et Tchernivtsi (Czernowitz) sont mis en évidence dans le cercle jaune.